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"Un véritable maître ne souhaite pas être adoré et se moque d’être critiqué."
Florent Manitara
L
e chemin du disciple n’est pas chose aisée, il est un chemin de montagne. Ce que l’on vit dans la vallée est différent de ce que
l’on vit en montagne. Tout est plus intense en haute montagne : le brouillard, la pluie, l’orage, le tonnerre et les éclairs. Tu sens la puissance de la nature, tu peux ressentir une crainte et du respect envers les forces à l’œuvre ; alors la concentration, l’attention et l’éveil naissent à l’intérieur de toi.
En montagne, tu peux te perdre, tu peux te tromper de chemin tout en croyant que tu es sur le bon, tu peux tomber. Bien sûr, il n’y a pas que des pièges ; il y a la source pure et l’air frais, le lac, la rivière, les champs de fleurs, le ciel grand, les étoiles…
L’intensité et la puissance de la nature en montagne éveillent. La montagne te fait apprécier ce qui est simple et essentiel : plus tu montes, plus tu t’allèges. Nous prenons de la hauteur et alors tout devient plus clair, plus lumineux, nous sommes plus vifs d’esprit aussi. Nous sommes libérés de beaucoup de pollutions ; non seulement physiques, mais aussi psychiques, morales et philosophiques. La nature est tellement plus forte en montagne... même si aujourd’hui elle meurt, car toutes les valeurs qu’elle a donné aux hommes sont en train de se perdre.
Gravir une montagne est une expérience initiatique et mystique. Il y a une grande science et une sagesse, un savoir caché dans les montagnes.
Ce que l’on vit en montagne est une existence dans l’existence, une vie dans la vie plus intense. Tu peux y vivre des expériences que tu aurais dû vivre en plusieurs vies.
Les expériences du disciple sont universelles : il n’y a en vérité qu’un disciple dans tous les disciples. Et même si dans ce livre il y a forcément de mon cœur, ce qui va être développé est plus grand que l’existence d’un homme dans un corps.
« Ce que vit le disciple comme épreuves, expériences,
compréhensions, erreurs et victoires,
a été vécu et continuera à être vécu. »
Ce chemin de montagne n’appartient à aucun homme, il est le chemin d’une tradition de prière, de service et d’œuvres. Cette tradition porte une mémoire et a tracé un chemin de vertus toujours ouvert, mais gardé pur, de la vallée jusqu’au sommet de la montagne.
Tous les hommes naissent et meurent dans la vallée, mais certains décident de lever les yeux vers le ciel et de gravir une montagne, leur montagne intérieure. Tout au long de leur ascension, ils grandissent et se forment à travers de nombreuses expériences, rencontres et influences. Arrivés au sommet de la montagne, ils observent le monde avec un tout autre regard. Ils ne sont plus les mêmes, riches de nouveaux apprentissages, parfois d’épreuves, emplis de ces initiations qu’ils n’auraient jamais pu faire en bas. Une fois de retour dans la vallée, ils transmettent ce qu’ils ont expérimenté. Beaucoup diront alors : « Pourquoi monter ? Il n’y a rien. J’ai tout dans la vallée pour vivre bien. » D’autres penseront : « Ce chemin semble tellement difficile, je n’y arriverai pas. Ce chemin n’est pas pour moi. » D’autres enfin, voudront le suivre, en goûter l’expérience et marcher eux aussi ce chemin du disciple, afin de gravir à leur tour le sommet de la montagne.
N’est pas disciple qui veut. On ne naît pas disciple, c’est un potentiel, une possibilité à l’intérieur de chacun de nous, mais c’est ce chemin de montagne, avec tout ce qu’il comporte et comment nous allons le marcher, qui fera de nous de véritables disciples. Ce chemin est insaisissable, bien qu’il ait été balisé par tous ceux qui l’ont parcouru.
Ton potentiel peut être grand, tu peux avoir été bien préparé dans la vallée, mais tu peux tomber et ne pas pouvoir te relever. Tu peux te perdre et ne pas pouvoir rentrer.
Même après avoir gravi le sommet de la montagne, en redescendant, tu continueras à être éprouvé car dans la vallée, encore et toujours, il te faudra semer. Si tu te contentes d’une récolte, alors à un moment donné, il ne te restera plus rien. Mais si à chaque récolte, tu gardes toujours du grain pour semer, tu ne seras jamais dans le besoin.
La montagne t’enseigne entre autres la persévérance, la concentration, le silence et l’émerveillement. Voilà les premières attitudes que le disciple doit développer pour faire naître en lui les forces qui lui permettront de gravir sa propre montagne intérieure.
Extrait du livre de Florent Manitara
Comment un maître a formé son disciple